28 août 2005

Je n'aime pas écrire

Alors là, on est mal barré.

C'est un peu comme un instituteur qui déteste les gosses, ou un charcutier végétarien. On a du mal à comprendre s'il exerce son métier par vengeance ou par masochisme.

Alors un écrivain qui n'aime pas écrire, où va le monde?

Laissez-moi m'expliquer:

L'instituteur, quand il avait 20 ans, il adorait les enfants, et il croyait apprendre un métier de rêve: transmettre le savoir aux hommes de demain.

Le charcutier, il est devenu végétarien en constatant comment la viande était acheminée vers son officine. Qui pourrait manger ces cloaques à bactéries en les voyant de près, tous les jours?

La situation est à peu près la même pour l'Auteur Inspiré.

A l'école, il fait 10 sur 10 à ses dictées. Il écrit pour le plaisir, dans un petit carnet. Puis il grandit, et vient le moment où il décide d'écrire un roman complet, d'au moins 200 pages, de ne plus se contenter d'une nouvelle.

Et c'est à ce moment-là, mes amis, que la terrible révélation va frapper notre apprenti écrivain: écrire 200 pages, vous m'excuserez l'expression, mais c'est franchement pèle-couilles.

L'homme moyen normalement constitué comprendra qu'il est sage de s'arrêter là et de laisser les trente-six brouillons inachevés dans un tiroir, en envisageant peut-être de les retravailler après la retraite.

Mais l'Auteur Inspiré est plus fou, ou peut-être moins moyen que la moyenne, et ne s'embarasse pas de raisonnements raisonnés. Il faut écrire ce roman coûte que coûte. C'est que le jeune bougre à des choses à dire. Il veut transformer le monde... Et pire: il croit que le monde à besoin de lui pour être transformé.

Mon Dieu! Le fou! L'arrogant! Le prétentieux! Son chatiment sera terrible: gavé de mots, de phrases, de dictionnaires, l'apprenti sera plongé dans une vague de doute, de tourments, de profonde dépression.

"Je suis nul!" se dira-t-il. Et les autres le lui diront aussi, lorsque qu'il aura l'audace de leur présenter ses premiers manuscrits.

Mais il n'en a pas assez, il résiste: il récidive! Jusqu'où ira-t-il? A-t-il donc perdu l'esprit? Ne comprend-il pas qu'il n'a aucun talent et qu'il est plus sage d'arrêter?

Non, il ne le comprend pas.

Et brouillon après brouillon, l'Auteur Inspiré commence à aligner les phrases avec brio. Il ne s'étonne même plus de la saveur des mots: il nage dedans. L'excellence devient une habitude. Et son seul effort désormais n'est plus d'être "lisible", mais d'être génial!

Cette dernière partie évidemment, n'a pas encore été atteinte par votre Serviteur. D'autant plus que le passage entre le stade d'Apprenti et celui d'Auteur Eclairé est plus long et plus douloureux que la simple répétition acharnée.

Si un peu de travail constant pendant quelques suffisait à devenir un écrivain accompli, ça se saurait....

Bien que...

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