23 octobre 2006

A nos actes manqués

En relisant les anciens articles, je me suis rendu compte que je n'ai jamais vraiment parlé des fondamentaux, notamment de la structure en trois actes.

Je vais donc vous exposer ma vision de cette stupidité théorique. Accrochez-vous: on a coutume de découper un scénario en trois grands actes: l'acte 1 (début), l'acte 2 (milieu), l'acte 3 (fin). Voilà, c'est tout. Mirobolant, n'est-ce pas?

Bon, j'avoue: j'exagère un tout petit peu. La vraie théorie décortique un peu plus le récit:
- l'acte 1 contient une exposition, dans laquelle on présente les personnages et la situation initiale.
- l'acte 1 se termine par un évènement déclencheur qui lance l'histoire sans retour arrière possible.
- l'acte 2 se divise en deux partie: la première montre une montée en puissance des forces mises en jeu, la deuxième montre la descente aux enfers du protagoniste.
- l'acte 2 se termine par le combat final.
- l'acte 3 montre la résolution du conflit.

C'est d'une simplicité et d'une évidence tellement instinctive que je ne comprends pas comment des auteurs peuvent s'étendre 200 pages sur le sujet. Ceci explique donc pourquoi je n'en ai jamais parlé avant.

La vraie question, c'est: "est-il bon que les auteurs aient conscience de l'emplacement de leurs 3 actes dans leurs scénarios?"

Mais je réponds par la négative. En effet, "on" (de nombreux auteurs reconnus et moins reconnus) conseille aux novices de contrôler la longueur des actes qu'ils écrivent: pas plus de 30 pages pour l'acte 1, pas moins de 50 pages pour l'acte 2, l'acte trois étant le plus court sans exception. Les raisons de ce conseil empoisonné sont compréhensibles: les novices ont tendance à écrire une exposition interminable avec un récit qui ne décolle jamais, à ne pas assez approfondir les conflits qui restent à un niveau superficiel et se résolvent de manière assez simple en fin de compte.

Mais la notion d'actes a des effets pervers: il détourne l'attention des apprentis-scénaristes vers des choses superficielles et leur retire partiellement la responsabilité d'un bon contenu, au profit d'une bonne structure.

Puisque cette notion d'actes est à mon sens intuitive et évidente (a-t-on idée d'écrire quelque chose sans début, sans milieu et sans fin?), il vaut mieux se l'enlever de l'esprit et se concentrer sur ce qui compte réellement: construire le récit de sorte qu'il tienne la route sur la longueur sans traîner au début.

Le découpage en actes n'est d'aucune aide pour arriver à ce résultat. Le travail est plus profond, et plus difficile. L'auteur doit systématiquement se demander si chaque scène fait avancer le schmilblick de façon "plaisante", c'est-à-dire qu'il y a une valeur ajoutée à la simple exposition des faits.

Ensuite, le travail sur la structure peut-être totalement indépendant de la théorie des trois actes. Quelques règles empiriques peuvent être conseillées, car elles ont fait leurs preuves: aller crescendo, ne résoudre l'objectif principal du protagoniste qu'à la fin de l'histoire,... Mais de là à établir une théorie universelle qu'on nous impose un peu partout, il y a de la marge.

En fin de compte, à mon sens, la théorie des trois actes n'a qu'un seul but: donner un jargon aux producteurs pour qu'ils puissent indiquer aux scénaristes où rajouter du sexe pour booster l'histoire. "Ca manque de punch à la fin du deuxième acte: je connais justement une jeune actrice ambitieuse..."

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