28 avril 2008

Citation

"Mon conseil, c’est de regarder la télévision, et surtout les fictions françaises, même si c’est difficile (rires)."
-- Frédéric Krivine

26 avril 2008

Pourquoi?

Rendre un personnage crédible, c'est savoir expliquer ses motivations, les raisons de ses actes. Lorsque le spectateur sait "pourquoi", il est prêt à tout avaler, ou presque...

Pourquoi ce personnage?
Lorsque vous créez un personnage, vous pouvez le doter de caractéristiques physique, vestimentaires et psychologiques. C'est vraisemblablement un inspiration subite et évanescente qui vous donnera une image globale du personnage. C'est "l'éclair de génie", indomptable. Cet éclair vous donne un matériau brut, qu'il convient de retravailler.

Les composantes du personnage, outre ses caractéristiques visibles, concernent aussi ses objectifs et ses craintes. En d'autre mots: quel est le moteur de son existence? Qu'est-ce qui le fait avancer? Un personnage sans moteur intérieur est voué à disparaître. Au contraire, un personnage dont les motivations et les objectifs sont clairement définis va vivre par lui-même, il va prendre des décisions sur lesquelles vous n'aurez plus beaucoup de prise. Mais pour fabriquer ce petit moteur si utile, il ne faut pas se précipiter sur les clichés (sinon, c'est un diesel que vous créerez). La première question à se poser, c'est: pourquoi?

Trouvez les bonnes raisons et le reste ira tout seul. Ceci dit, il n'est pas évident de trouver de bonnes raisons. L'âme humaine est complexe, et emprunte souvent mille détours pour atteindre ses objectifs. Rajoutez à cela un couche d'inconscient, de frustration, de honte, de lâcheté, et vous comprendrez vite que le personnage de fiction a besoin d'être simplifié, pour le bien du récit.

Tout le jeu consiste à doser la part de complexité du réel avec la part de simplification. Trop simple, c'est un cliché, trop compliqué, c'est une thèse de psychologie. Ce dosage dépend du style de votre histoire, et du rôle que le personnage y joue. Un personnage principal aura besoin d'une construction en profondeur. Un second rôle peut se contenter de moins - quoique dans de nombreux films les seconds rôles travaillés font tout le charme de l'histoire...

Pourquoi cette scène?
La scène que j'écris en ce moment a-t-elle une raison d'exister? Un bonne raison? Vraiment?

Si vous scène se contente de délivrer une information et rien d'autres, peut-être faut-il reconsidérer son utilité. Peut-être faut-il y ajouter du suspense? Du conflit? Un gag? Et bien souvent, il faut la supprimer purement et simplement!

Pourquoi ce film?
La question la plus radicale... On peut même aller plus loin: pourquoi "des" films? A quoi bon, en ces temps maussades de récession économique, de chômage structurel et de guerre en Irak? Trouvez la réponse à cette question. Elle est personnelle. La mienne est: parce que je préfère encore voir un bon film que le foot à la télé. Donc j'ai envie de faire des films amusants, de l'"entertainment". Des films "cool". D'autres auront une réponse beaucoup plus profonde, beaucoup plus sérieuse: il tiennent le cinéma en haute estime (moi aussi, mais d'une autre manière). Et il feront des films pour changer le monde (quelle noble raison!). Pour conscientiser le peuple. Pour répandre l'amour. Pour répandre la haine. Pour bluffer ses contemporains (très mauvaise réponse, je trouve, mais qui colle à un nombre incroyable de films).

Votre idée de film, c'est pour quoi faire? Après l'avoir écrit, votre film correspond-il encore à cet objectif? Tient-il ses promesses? Si ce n'est pas le cas, pourquoi ce film? Voilà une question qui n'est pas assez posée.

Pourquoi ce blog?
Pendant que vous le lisez, vous n'écrivez pas. Ca me fait moins de concurrence ;-)

Maintenant, écrivez!

24 avril 2008

Le bon dieu est dans les détails

J'ai l'art de manier le paradoxe, non?

Le mois passé, je vous jurais mes grands dieux que le diable se terrait dans les détails - qu'il masquait l'important derrière quelque paravent futile - mais cette foi-ci, c'est l'inverse: les détails, il faut y faire attention aussi.

On en revient au thème de la micro-/macro-scopie du récit que j'ai développé plus tôt. L'art du scénariste c'est de diviser son cerveaux en deux parties qui s'occupent de choses différentes: l'une veille au bon déroulement de l'histoire, au respect des thèmes, au côté conceptuel, tandis que l'autre veille aux détails.

Quels sont les détails importants dans un scénario?

1) L'orthographe.
Chaque fois que je relis un article sur ce blog, je trouve quelques fautes d'orthographe - que l'honnêteté m'interdit d'appeler "fautes de frappe". Un écrivain qui fait des fautes à chaque paragraphe? Ce n'est pas sérieux! Un scénariste non plus! Veillez donc à garder un style haut de gamme tout au long de votre texte, même s'il est écrit vite, dans le métro, à 7h du matin. C'est ça le professionnalisme.

Le professionnalisme c'est aussi de revérifier le texte 2 ou 3 fois après l'avoir écrit. Une fois à l'aide d'un correcteur logiciel (je vous conseille Antidote), une fois à l'oeil nu (je vous conseille d'imprimer votre texte sur du papier, ça aide!).

2) Les dialogues.
Dans la précipitation, on a vite fait d'écrire des dialogues bateau, ne correspondant pas à la psychologie du personnage, ou trop plat. Et souvent trop long. Le secret pour ré-écrire des bons dialogues, c'est de laisser reposer le texte 1 mois et de ne plus y penser. Lorsqu'on y revient, l'esprit frais, les choses un peu artificielles ressortent comme le nez au milieu du visage (quel cliché, cette phrase!). Ca marche plutôt bien.

3) Les clichés.
Oui, il faut les combattre. J'ai déjà écris sur le sujet, il existe des techniques pour les éviter ou les détourner. Un cliché bien détourné est un régal pour les critiques de cinéma.

4) Les situations.
Bien souvent, des scènes sont un peu plates parce qu'elles se contente de servir l'histoire sans sel, de manière brute. Le scénariste s'est contenté de suivre un séquencier sans y ajouter de piments. "Scène 7: Georges rencontre la femme de sa vie dans un bar." Ce peut donner une scène d'une banalité atroce, suffisante pour faire avancer l'histoire correctement, mais très largement insuffisante pour faire un bon film. Il faut faire de cette rencontre quelque chose de plus intéressant. C'est là que le talent entre en jeu. Que va-t-il se passer dans ce bar? Vaut-ce la peine d'être raconté?

Il arrive souvent que l'on ait besoin de scènes très courtes, et un peu plates, pour donner une info essentielle pour plus tard, rapidement, sans chichi. C'est une erreur. Même ces scènes courtes, il y a moyen de les rendre plus excitantes. Trouvez un personnage secondaire amusant, une anecdote, un gag, quelque chose qui élève le niveau. Le spectateur vous remerciera.

5) La "coolitude".
Pareil que le point précédent, est-ce que ce que vous écrivez est "cool" (à prononcer avec l'accent de surfeur californien très cool) ? Cool peut être amusant, impressionnant, rusé, émouvant, tout sauf banal et plat. Exemple de moments cool: "je suis le roi du monde" dans Titanic, "c'est une offre qu'on ne peut pas refuser" dans le Parrain, le séquence de la tronçonneuse dans Scarface, la séquence d'intro d'Amélie Poulain, la scène de fin de Magnolia, les montages "shoot de coke" dans Requiem for a dream, etc. Les américains appellent ça des moments trailers. Des scènes que l'on peut mettre dans la bande-annonce. Ecrivez-en!

Alors, ici, je vais ajouter une nuance: on est en Europe, avec une forte tradition pour les films moins exubérants, sans moments trailers. Et ces films ont leurs amateurs. A raison, parfois. Il y a de très bons films où la plaisir ne vient pas de scènes particulières, mais d'une ambiance générale, d'une construction à long terme. Je pense à Blow-Up, à Garde à vue, à ce genre de vieux films issus de la tradition européenne du cinéma. Etant donné que je n'ai plus vu un bon film de ce genre depuis au moins 10 ans (si vous avez des contre-exemples, je suis preneur), je vais partir du principe que vous voulez écrire de bons films - un des derniers, je trouve, c'est Le bonheur est dans le pré. Il ne se passe pas grand chose, et pourtant, quel bonheur. Donc mon conseil est d'écrire quelque chose avec plus de relief.

Le cinéma indépendant américain recèle aussi de bijoux de films à ambiance, et même des films récents. Mais leurs bandes-annonces sont truffés de scènes amusantes: coïncidence, ou vrai talent? Je ne vous le cache pas: je suis fan du cinéma américains. Ils sont bons!

6) La vraisemblance.
Vous écrivez un film - 24 mensonges par seconde. Comment faire passer la pilule? En se rapprochant le plus possible de la réalité. Veillez donc à respecter le plus possible la vraisemblance. Faites des recherches. Soyez attentifs. Ce genre de détails ne saute pas aux yeux, mais fait la différence. Un exemple frappant: j'écrivais un scénario d'action, et dans une scène les héros mangent au resto. Ils commandent un plat quelconque. N'ayant aucune connaissance en cuisine, j'ai écrit n'importe quoi. Un lecteur gastronome m'a fait remarquer que mon plat n'existait pas et que les ingrédients ne se mélangeraient pas du tout. C'était un détail stupide et pourtant ça l'a fait décrocher de l'histoire! C'est quelque chose que l'on apprend aux journalistes: statistiquement, votre texte sera toujours lu par un éminent spécialiste en la matière... Faites donc en sorte qu'il ne tombe pas de sa chaise en vous lisant!

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Voilà quelques exemples de détails à examiner de près. Il y en a d'autres, comme le style de vos didascalies, le tempo, etc. J'en parlerai dans d'autres articles.

Notez cependant que ces détails peuvent devenir diaboliques si vous vous en préoccupez avant de vous concentrer sur l'essentiel: un bon concept, une bonne histoire, une bonne structure, de bons personnages. Ensuite seulement, le bon dieu vous accordera sa miséricorde.

Maintenant, écrivez!