30 mai 2008

Interview : Aurélie Marteau

Je suis très heureux de vous annoncer le retour de la rubrique des interviews, parce que c'est un aspect du blog qui me tient à cœur - après tout, je suis journaliste de formation, quoi de plus normal que d'aimer poser des questions à mes idoles?

L'idole d'aujourd'hui, c'est Aurélie Marteau. Si vous n'êtes pas un habitué de la scribosphère, son nom ne vous dit peut-être rien. Et pourtant, la lecture de ses blogs (dont le dernier, Saison 3) est réjouissante. Partie de rien - au même point que vous et moi, chers lecteurs - Aurélie a raconté au monde entier son ascension dans le métier ô combien passionnant de scénariste. Une ascension qui n'est pas sans mal, comme nous allons le voir.

Bonjour Aurélie, raconte-nous comment tu es devenue scénariste.
Aurélie Marteau: C'est un peu un coup de bol. Je connaissais des scénaristes, Cedric et JC, qui m'ont présentée au producteur de Graine de Maire, une série en cours d'élaboration. De là, tout s'enchaîne: je le rencontre, je passe le test de la série et je suis recrutée. Avec la promesse de ce contrat (et sur présentation de Cedric), je rencontre Lise Arif (ndlr: l'agent de scénaristes la plus connue de France), qui me prend dans son écurie. Donc ce n'est pas particulièrement le fruit d'un long travail (même si j'ai travaillé longtemps avant que ça arrive), ce sont juste les circonstances qui se sont bien goupillées pour que ça se passe comme ça.

Démarrer comme scénariste, c'est financièrement viable?
A la base, il était prévu que j'écrive deux épisodes, le nombre prévu pour chaque auteur. J'ai rapidement fait mes comptes, et je me suis dit que je n'avais plus besoin de travailler comme ouvreuse dans un ciné pour vivre. J'ai donc quitté mon job. Malheureusement, le deuxième épisode de Graine de Maire se fait attendre, à cause de problèmes de production, et je n'ai plus de revenus. Aujourd'hui, j'envisage sérieusement de me retrouver un petit boulot !

Tu n'es donc jamais certaine du lendemain?
En ce moment, c'est vrai, je n'ai pas de travail rémunéré en perspective. C'est parfois un peu dur pour le moral mais cela reste vivable parce que je suis d'une nature confiante. Je prospecte, je travaille sur des projets personnels en espérant qu'une prod' posera une option... Je garde espoir ! Et surtout j'ai la chance d'être bien entourée.

A propos d'entourage, quel est le rôle exact de ton agent?
Elle me permet d'avoir une crédibilité, de passer certains "filtres" auprès des producteurs (qui feraient moins confiance à un auteur sans agent), elle me donne des numéros de téléphone... Concrètement, ce n'est pas elle qui me trouve du boulot, ce n'est pas son rôle, c'est à moi de passer les tests et d'être assez douée pour être embauchée. Ensuite, elle négocie, elle gère les contrats, la paperasse, elle relance les prod' pour que j'aie mes chèques. Il est clair que sans elle, ce serait plus difficile.

Comment s'organise le travail d'un scénariste en télévision?
Un producteur ou un auteur crée un concept de série, avec des personnages, un ton, une histoire... Des auteurs sont embauchés pour écrire cette série. Parfois, ça peut être à différents niveaux, pour écrire un épisode entier, ou juste les dialogues. Le directeur de collection est là pour s'assurer de la cohérence globale de la série, afin que dans chaque épisode le ton soit respecté, que les personnages agissent en accord avec leur caractérisation. Notre rôle d'auteur, c'est de créer des situations, des dialogues, etc...

Les scénaristes sont libres d'écrire ce qu'ils veulent?
Dans le cadre du concept de la série et des consignes qui nous sont données (qui peuvent être : 30% de scènes d'extérieurs / 70% d'intérieurs, 230 répliques, pas plus de tant de personnages dans une séquence, le ton, etc.), on a toute liberté. Mais il faut savoir que chaque étape de l'écriture (synopsis, séquencier, dialogué) est validée. Plusieurs versions sont prévues à l'avance, contractuellement. Cela signifie que le producteur pourra nous demander de ré-écrire deux fois la continuité dialoguée, par exemple.

Les chaînes de télévision interviennent-elles également dans le processus d'écriture?
Oui, les chaînes interviennent. Beaucoup pensent qu'elles interviennent trop et ne prennent pas toujours les bonnes décisions. Elles donnent des axes d'écriture, elles peuvent imposer des personnages, elles interviennent à tous les niveaux (même dans la réalisation et le choix des comédiens, voire des costumes !). Mais comme elles payent, beaucoup de prod' n'osent pas trop lutter.

Cela semble fort contraignant! N'y a-t-il aucune place pour l'initiative personnelle?
Bien sûr que oui. Par exemple, pour Graine de Maire, dans ma continuité dialoguée, une séquence n'allait pas. En réunion, avec les directeurs de collection, nous avons trouvé une autre solution pour raconter cette séquence. Mais ça ne me satisfaisait pas complètement. Une fois chez moi j'ai trouvé autre chose, et j'ai fait le pari d'écrire la scène de cette manière. C'est passé (mais ça aurait pu être refusé), ce qui veut dire que mon initiative a été appréciée. Ce n'est pas évident, parce que d'un côté, il faut répondre à une demande, avec un cahier des charges extrêmement strict, et de l'autre, c'est un travail créatif, donc avec une grande part d'interprétation et de subjectivité. Trouver un équilibre là dedans est sans doute ce qu'il y a de plus difficile dans le fait d'écrire pour une commande (qui peut être pour la télé ou le cinéma).

Cela ne provoque-t-il pas des tensions entre tous les intervenants?
Les rapports entre les producteurs, les auteurs et les diffuseurs sont très compliqués, et je crains de ne pas avoir encore assez d'expérience du métier pour les définir en détails. Cela dit, parfois ça se passe très bien, comme sur Graine de Maire. Mais l'auteur n'a pas de rapport avec les chaines, normalement. La hiérarchie classique, c'est chaîne > producteur > directeur de collection > auteur. En tant qu'auteurs, nous n'avons de rapports qu'avec le directeur de collection et la prod' (enfin, la encore ça dépend des séries, chaque cas a ses spécificités), qui sont là pour s'assurer que les auteurs répondent bien à la commande qui leur est fait, et qui interviennent donc au niveau de l'écriture. C'est finalement assez logique.

Quels sont tes projets et tes objectifs pour le futur?
J'ai des projets de série. Mais je n'ai pas vraiment de plan de carrière. L'objectif, c'est de vivre du métier de scénariste, ce qui n'est pas encore le cas maintenant.

Merci à toi et bonne chance pour la suite!

24 mai 2008

Le Maître d'école

Vous vous souvenez peut-être de ce film où Coluche - simple vendeur - se retrouve du jour au lendemain professeur suppléant dans collège. Et le voilà face à 30 élèves chahuteurs, sans aucune idée de discipline ou d'ordre...

C'est mon histoire! Enfin, j'attends toujours les propositions indécentes des Balasko du bahut, mais dans l'ensemble, les faits sont identiques: je n'ai jamais enseigné, ni même appris à enseigner, et voilà que l'on me met au pied du mur.

Après un speech moralisateur du directeur, très noble, très beau, mais pas pratique pour un sou, je fais face aux 30 petits gremlins ("parfois Gizmo, souvent les autres..." dixit la prof que je remplace).

J'ai 23 ans, mais une carrure d'adolescent. Je porte donc un costard pour me vieillir un peu. Je vouvoie mes élèves. Pour eux qui ont 12 ans et l'habitude d'être materné, c'est un choc. "Mademoiselle, au fond, vous vous taisez!"

Bon, après deux jours, ils m'ont demandé de les tutoyer et d'apprendre leurs prénoms. Mais j'ai 5 classes à gérer, ça fait beaucoup de gremlins à connaître. Je fais un effort. Certains sont plus faciles à retenir que d'autre: il faut les apostropher toutes les cinq minutes.

Je n'ai quitté le collège qu'en 2003. Ce n'est pas si vieux. J'ai encore des souvenirs très vifs de ce qui me plaisait ou non chez un professeur. J'essaie donc de composer une sorte de mélange de tous mes professeurs préférés. Je travaille vite. Je répète souvent les informations importantes. Je pose des questions sur ce que je viens de dire. J'ai confiance en l'intelligence de mes élèves. Je ne les ridiculise pas quand ils donnent une mauvaise réponse. Je les encourage systématiquement. Je félicite. J'essaie d'avoir de l'humour et de garder une ambiance agréable en classe. Je laisse exprimer leur créativité.

Il faut dire que la matière que l'on m'a demandé d'enseigner est plutôt propice à l'expression de la créativité. La poésie. Quelle chance! Nous avons donc vu ce qu'était un alexandrin, nous avons compté le nombre de syllabes dans chaque vers, nous avons appris ce qu'étaient des rimes riches, pauvres, plates, croisées, embrassées... Nous avons vu quelques figures de style: les comparaisons, les métaphores.

J'ai ma première bonne surprise de prof quand un élève répond: "Le temps est une prison silencieuse" lorsque je lui demande d'inventer une métaphore.

Certaines classes sont plus performantes que d'autres. Avec une, je peux me permettre un cours de "détente", et je leur explique le principe de l'Oulipo. Et pendant une petite heure, ils s'en donnent à cœur joie pour écrire des textes sans "e", des anagrammes, des acrostiches, et autres jeux d'écriture. Je les vois s'amuser. C'est une réussite.

Avec l'autre, nous sommes en retard. Ils ne sont pas vraiment réceptifs au charme de la poésie. Pourtant, j'évite l'écueil de leur lire du Baudelaire, qu'ils ne comprendraient pas (déjà moi, j'ai du mal à m'accrocher, alors eux!?). Ils chahutent. Pour eux, j'ai prévu une "interro surprise". Cris de protestation dans l'assemblée. Je rétabli le calme. Je sépare les bancs. Distribution des copies et silence de mort. "Vous avez 20 minutes".

Il faut dire que les questions sont vraiment très faciles. Je leur demande de retrouver un exemple de rime riche dans "Le corbeau et le renard", qu'ils ont devant les yeux. Ensuite, de définir quelques notions: alexandrins, vers, strophe, etc. Enfin de résumer la fable en quelques lignes.

A l'autopsie, les résultats sont mitigés: un tiers de la classe est en échec, un autre tiers s'en sort avec les honneurs, et les autres ont réussi sans briller. Il y a deux 10/10 et deux 2/10. Les résultats ne sont pas surprenants: certains n'en touchent pas une en classe. J'espère que ce coup de semonce va les réveiller.

Voilà pour la première semaine.

Il y a encore un tas d'anecdotes que j'aimerais vous livrer, mais pour cela, il va falloir attendre le prochain épisode!

D'ici là, écrivez (pourquoi pas des alexandrins)!

20 mai 2008

P.R.O.F.S

Ca y est: j'ai donné ma première journée de cours dans un collège. Je n'ai aucune expérience, j'ai un diplôme de journalisme, je n'étais pas vraiment préparé... et pourtant, je l'ai fait! J'ai donné 5 heures de français à des classes d'une petite trentaine d'élèves. Ils avaient 12 ou 13 ans. Moi j'en ai 23. Imposer mon autorité n'a pas été naturel. Mais voilà, au pied du mur, j'ai fait ce que j'ai pu... Et ma foi, cette première expérience était plutôt agréable. Je remplace une prof en congé de maladie pendant deux semaines. Je risque donc d'être absent du blog pendant les 15 prochains jours. Je vous raconterai évidemment cette expérience inédite dés mon retour.

Pendant que je fais écrire des enfants, vous, écrivez vos scénarios!

16 mai 2008

Citation

"Si vous voulez que vos rêves se réalisent, ne dormez pas."
-- Proverbe juif

15 mai 2008

Mes lectures quotidiennes

Puisque je sens, très chers lecteurs, que nous devenons un peu plus intimes - trois ans de vie commune, ça rapproche - j'ai envie de dévier un peu de ma ligne éditoriale habituelle. Aujourd'hui, j'ai envie de vous parler des blogs que je lis tous les jours, parce qu'ils sont très bons.

Je vous les donne dans un ordre aléatoire, n'y voyez pas de classement, je les aime tous pareil.

BlogNot! : celui-là est dans mon blogroll depuis longtemps. C'est un blog - qui n'en n'est pas un, allez comprendre consacré à l'actualité de l'édition, à la typographie, à l'art noble d'écrire correctement. J'aime ce blog pour sa précision, pour le côté très bien informé de l'auteur. Ce que j'aime moins, c'est l'impression que j'écris comme une merde, chaque fois que je me compare à lui. Et aussi, il ne le met pas son blog assez souvent à jour. Un billet au moins chaque semaine, ça serait top!

Maître Eolas
: c'est le blog d'un avocat - anonyme, c'est toujours louche - qui en raconte des vertes et des pas mûres. J'ai lu des témoignages très émouvants sur ce blog, teinté d'une vérité sur la nature humaine qu'on trouve rarement dans les autres blogs. C'est une vraie source d'inspiration pour moi, scénariste. Ce que j'aime moins, ce sont les polémiques politiques franco-françaises. Mais bon, on peut bien lui pardonner ça pour lire encore d'autres histoires saisissantes!

John August : le blog personnel du scénariste de Big Fish, et probablement le meilleur blog de scénario au monde! Je n'en rate pas un billet, tant ses conseils d'insider sur l'écriture sont pertinents. Le gros bonus, c'est la page "Library" qui contient en libre téléchargement toute sa production : scripts, bibles, synopsis, etc. Ce que j'aime moins, c'est son interminable autopromotion pour son film "The Nines". Mais je vous avoue que le jour où je réalise un film, vous en entendrez parler aussi !

San and Jim go to Hollywood : il s'agit ici d'un podcast (les articles sont... des émissions radio à télécharger en mp3), et ce qui est passionnant, c'est de suivre le parcours de types qui ont commencé au point où nous sommes tous: à zéro. Aujourd'hui, ils vivent de leur plume. Ils nous racontent leurs hauts, leurs bas, ils nous racontent leur vie derrière le décor de Hollywood, comment ils ont convaincu leurs femmes de les suivre à Los Angeles, et comment ils stressent de ne pas pouvoir gagner leur vie... Le point négatif, outre la fréquence évidemment plus faible (généralement une émission par mois), c'est qu'ils s'égarent souvent dans des anecdotes pas du tout intéressantes. Mais comme les émissions durent en général une bonne demi-heure, il y a toujours du bon à prendre.

Jane Espenson : une scénariste de télé, avec des billets très réguliers, très pragmatiques, très utiles, sur l'écriture "pour de vrai". Comment faire rire à la télé? Comment amener telle scène? Tel personnage? Son blog donne les conseils les plus directement "utilisables" que j'ai lu sur le web. C'est donc un vrai plaisir. Le côté négatif, c'est que je lui ai un jour envoyé un courrier et qu'elle n'y a jamais répondu!

Sex in a submarine : le blog d'un scénariste de séries b fauchées, que vous n'avez probablement jamais vues (moi non plus). Mais comme le gars est très sympa, qu'il raconte volontiers sa vie privée avec beaucoup d'humour, c'est une lecture agréable. Comme il a passé sa vie à se faire arnaquer par des producteurs peu scrupuleux, il donne beaucoup de conseils pour éviter de tomber dans les mêmes pièges. Le gars sait aussi comment faire des scénarios impressionnants pour un budget minimaliste. Le point négatif, ce sont ses critiques de films beaucoup trop longues et sans intérêt.

Ironic Sans
: aucun rapport avec l'écriture, mais ce blog d'un graphiste talentueux regorge de tellement de bonnes idées, que c'est une bonne source d'inspiration pour moi. Evidemment, dans le lot, il y a aussi pas mal de mauvaises idées. Eh! Personne n'est parfait!

Post Secret : des anonymes envoient leurs pires secrets sur des cartes postales. Ici aussi, on en apprend beaucoup sur la nature humaine. J'y fais toujours un tour avant de créer de nouveaux personnages.

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Et vous, quels sont vos blogs préférés?

(n'oubliez pas d'écrire, tout de même!)

14 mai 2008

Relooking

Afin d'étendre l'aura de ce blog jusqu'à la voie lactée, je lui ai offert un petit lifting. Je suis encore en train d'adapter le modèle - espagnol, à l'origine - et comme je ne suis pas super doué, des bugs d'affichage peuvent survenir. Si ça arrive, laissez un commentaire!

Aussi, dans une deuxième phase de mon plan de conquête du monde, j'aimerais bien donner une meilleure vitrine à ce blog en faisant des échanges de lien. Si vous avez un site internet en rapport avec la dramaturgie, l'écriture, et/ou le cinéma, y'a moyen de moyenner. Là encore, commentaire - ou e-mail si vous êtes discret: vanpet arobase gmail.com.

Troisième point: la série "de l'idée à la scène" s'arrête là, et je vais effacer les anciens articles qui en parlent, parce que je pense que, pour le coup, c'était une mauvaise idée - en tout cas, elle ne se met pas en place comme je l'imaginais.

Si vous aimez ce nouveau visage, dites-le!
Si vous le détestez, dites-le aussi, mais poliment!

D'ici là, écrivez, nom d'un chien!

09 mai 2008

Vous ne passerez pas!

J'ai fait lire mon synopsis perdant à un autre compagnon d'infortune (merci à lui!) et un truc m'a sauté aux yeux: en réalité, je connaissais déjà tous les défauts de mon synopsis au moment de coller le timbre-poste sur l'enveloppe!

C'est terrifiant: mon niveau d'exigence envers moi-même n'était pas assez élevé, alors que c'est quelque chose que je travaille depuis longtemps (je vous renvoie vers des articles plus anciens de ce blog). Tous les défauts qui ont semblé inadmissibles à mon lecteur, étaient pour moi des "petits défauts" dont je soupçonnais l'existence mais, faute de temps, que je n'ai pas pris la peine de corriger.

La leçon à en retirer est grande: si vous soupçonnez, devinez ou sentez que votre script renferme un petit défaut, même futile, invisible, si vous être sûr que ce défaut passera complètement inaperçu pour les autres lecteurs, alors faites sonnez l'alarme! Alerte rouge: ces petits défauts sauteront au visage de votre lecteur comme une tique assoiffée de sang.

La seule méthode à adopter face à ces petits parasites qui rongent votre script: "Vous ne passerez pas!"

Pas de fainéantise: même si le problème est chiant, qu'il vous oblige à retravailler l'ensemble de la structure du script, vous êtes prié de le prendre à bras de corps, et de lui tordre le cou! VOUS NE PASSEREZ PAS!

Pour votre info, voici les principaux défauts de mon synopsis:

1) Tous les clichés possibles y passent: ce qui est scandaleux quand on sait que j'ai consciencieusement tenté de les éviter. Ceci dit, pondre un synopsis en 3 semaines, c'est rapide. Qui dit écrire vite, dit cliché. Le CEEA veut que même dans la précipitation, on ponde l'idée originale. Ok. C'est bien. C'est pas ma façon d'écrire. J'ai besoin de temps. Vous êtes prévenus, au moins: il faut être vif. C'est du sport.

2) Je caricature mes personnages: là, c'est un peu plus problématique, parce que je ne m'en rendais pas vraiment compte. J'ai tendance à introduire mes personnages par une phrase "marrante", pour que le lecteur ait dans la tête une image claire et forte. Mais ce faisant, je réduis le personnage à un trait grossier. Exemple: j'ai présenté la jolie fille en écrivant "c'est Sonia Rolland en mieux." Je trouvais ça plus fort que "c'est une jolie métisse". Mais du coup, mon lecteur l'a vue comme une paire de nichons sur pattes (je résume) alors que dans mon esprit le personnage était plus fin, intelligente et combative.

3) Mon synopsis était trop court: j'avais bel et bien rempli les 10 pages requises, mais c'est la structure même du scénario qui criait haut et fort: "Attention! Ceci n'a jamais les reins assez solide pour tenir 52 minutes!" Une structure bancale, et c'est tout le script qui en souffre: une fin chétive, un happy-end artificiel, un deuxième acte un peu plat... Ca, je le savais, c'était pour moi le défaut principal de mon synopsis. J'ai mal évalué la place que prendrait mon écriture, et j'ai vite atteint les 10 pages alors qu'il m'en fallait encore 3 ou 4 pour approfondir le script correctement.

4) J'ai un regard ironique sur les personnages: on dirait que je ne prends rien au sérieux, que je me moque continuellement d'eux. Cette façon de faire de permet pas de s'attacher à eux. Le lecteur reste en retrait. Il n'est pas invité à se plonger dans l'histoire. C'est un style qu'on m'a souvent reproché. Je ne crois pas que je peux m'empêcher d'écrire de cette manière. Pour moi le monde entier est sujet à l'ironie et à la moquerie. Forcément, c'est un défaut.

5) Je mélange le comique et le tragique: le lecteur disait "c'est intéressant, mais casse gueule". A l'évidence, ce coup-ci, je me suis cassé la gueule.

Le deuxième conseil que l'on peut retirer de cette malheureuse expérience est: faites lire votre synopsis au moins une semaine avant de l'envoyer, ça vous laissera le temps de corriger les défauts. Logiquement, il faut éviter d'hésiter une semaine au départ. Soyez vifs. C'est ça que le CEEA veut, apparemment: des sprinters de l'écriture.

Et je ne parle que des défauts dont vous soupçonnez l'existence. Les autres lecteurs trouveront bien assez tôt tout un tas d'autre défauts avec lesquels vous n'êtes pas d'accord: là, on touche à la question du goût et des couleurs. Et ça, c'est une autre histoire...

Et maintenant, écrivez!

07 mai 2008

CEEA : la réponse est non

Les résultat du concours du CEEA sont tombés, je ne suis pas pris pour la deuxième épreuve. C'est dommage, je pensais qu'il y avait du mérite dans mon texte malgré ses nombreux défauts. Par respect (pour moi-même), je ne vais donc pas publier mon synopsis foireux.

J'ai été refusé dans 3 écoles de cinéma. Comme disait Mark Twain: ""Write without pay until somebody offers to pay you. If nobody offers within three years, sawing wood is what you were intended for".

Tel étant le cas, et devant me résoudre à faire face à la réalité, j'arrête les dégâts. En septembre, je serai donc prof de français (il n'y a pas de scieries près de chez moi).

Je retenterai ma chance au CEEA l'année prochaine.

En ce qui concerne le blog, je le l'abandonne pas, mais sachez que désormais ce n'est plus un "pré-pro" qui l'écrit, mais un amateur qui ne deviendra probablement jamais scénariste professionnel. Ca remet le tout en perspective.

Depuis le début, j'espère avoir clairement dit que mes articles ne sont pas des "conseils de pros", mais bien des réflexions et observations d'un jeune scénariste qui fait son chemin. Le chemin étant très pentu, il m'arrive de trébucher, pendant que d'autres continuent leur ascension. Ceux-là, j'ai envie de leur dire quelque chose: "Chapeau, les gars! Vous êtes fortiches! Quand vous serez tout en haut du chemin, et que vous écrirez les épisodes des séries TV du futur, je vous en prie, soyez chics: faites quelque chose de bien!"

(en ce qui concerne le blog, attendez-vous à un hiatus de quelques jours)

Et maintenant, écr..... Non, aujourd'hui pas.

01 mai 2008

Le scénario en musique

De très nombreux scénaristes apprécient de se mettre dans une ambiance musicale propice à l'écriture. A fond la caisse, pour se couper du monde, ou à faible volume, pour éviter une surdité précoce... De la musique baroque pour les scènes épiques, du bon hardrock de bourrin pour le remake de Rambo.

C'est sûr, se mettre dans la bonne ambiance pour écrire, ça aide. C'est prouvé scientifiquement par moi-même et un échantillon de 3 scénaristes en activité. Il faut faire attention à deux choses:

1) porter plus d'attention à la musique qu'à son scénario.
C'est de la procrastination à l'état pur. Le bouton "skip", "next", "shuffle" ou "bass-boost" de votre lecteur de CD ou de MP3 est si attirant, vous seriez prêt à écouter l'intro de chacun de 1832 morceaux prévus dans la liste juste pour éviter d'écrire. Si la musique vous empêche de prendre votre courage à deux mains, et de vous lancer dans la sale besogne, passez-vous-en. un silence monastique peut avoir ses avantages, pour autant que vous ayez une digestion saine.

2) être influencé par la musique dans son scénario.
Un CD de musique comporte des plages avec différentes ambiances, différents tempos, qui, inconsciemment, peuvent influencer votre écriture. Si vous être vite emporté par des élans lyriques chaque fois que la section de violons joue des triolets, il vaut mieux mettre la musique à bas volume, et se concentrer sur la réelle intention que nécessite votre histoire à ce moment précis.

Outre la musique comme outil de travail, je vais également aborder le sujet dans la musique au sein même du scénario: comment travailler avec la bande-son dés l'écriture?

C'est un sujet délicat, car le choix de la musique relève des compétences du réalisateur. On partira donc du principe que le scénariste n'indique JAMAIS quelle musique il aimerait entendre si cette musique ne joue pas de rôle dramatique.

Exemple: le thème musical de Star War, bien que très important pour la mise en place des ambiances, ne joue aucun rôle. Le scénariste n'indique donc pas de didascalies du genre: LUKE voit le vrai visage de DARK VADOR pour la première fois. Le thème sombre de l'empire va crescendo en arrière-plan, jusqu'à envahir tout l'espace sonore, comme pour souligner l'état de détresse de Luke.

A éviter, donc, car votre rôle de scénariste est de raconter une histoire par le biais des actions et des paroles, non pas par le biais des ambiances lumineuses ou sonores. Un directeur artistique s'en chargera bien assez tôt.

Exemple 2: dans Les Experts, chaque fois qu'il y a une séquence montée de la recherche d'un indice dans le labo, un morceau généralement à la mode est joué, ça rend la scène supportable (qui a envie de regarder un bombardement au carbone 14?). Mais ce n'est pas au scénariste à indiquer la teneur musicale de cette séquence.

Ceci dit, cette règle connait une exception: lorsque la musique joue un rôle tangible dans le scénario. Si elle doit être mise en scène d'une certaine façon parce qu'elle revient plus tard dans le film par exemple, ou parce que c'est un film sur la vie d'un musicien, ou tout simplement parce que c'est une comédie musicale, alors le scénariste a le droit d'intervenir quelque peu sur les choix musicaux du réalisateur.

Exemple: les chants dans le Seigneur des Anneaux. Là, ce sont les personnages qui chantent des choses dont les paroles ont un sens pour le film. "La complainte pour Gandalf", par exemple, nous montre la tristesse des personnages. Ce sont des musiques qui appartiennent à l'univers intérieur du film (il existe un terme très savant pour dire ça, mais j'ai oublié. Si quelqu'un sait...)

Exemple 2: le "Tea for Two" dans la Grande Vadrouille joue un rôle très important pour reconnaitre ses alliés. En plus, il est source de gags (les meilleurs du cinéma français?).

Le cas limite, c'est quand, dans le scénario, une chanson connue passe à la radio, ou qu'un personnage la siffle, pas parce que ça fait avancer l'histoire, mais parce que ça colle bien au personnage. On pourrait imaginer un film sur une fille dépressive qui siffle "Hey Jude" en boucle. Si le chanson "Hey Jude" ne joue pas un rôle par après (élément déclencheur de sa thérapie, ou que sais-je encore), en résumé: si c'est juste un accessoire décoratif, je vous conseille de ne pas indiquer de quel morceau il s'agit.

Deux cas de figures: soit c'est un morceau très connu, comme Hey Jude, et les droits d'auteur seront trop chers pour le film, soit c'est un morceau moins connu, et alors le fait d'indiquer "elle siffle l'air de Fembot in Wet T-shirt de Frank Zappa" n'évoquera rien dans le tête du lecteur.

Si vous voulez faire chanter (ou siffler, ou jouer à la guitare, ou choisir dans un jukebox) votre personnage juste pour lui donner une contenance - une indication sur ces goûts musicaux - peut-être mieux vaut-il indiquer vaguement de quel type de musique il s'agit.

Exemple: JOHN met 5 cents dans le Jukebox et la machine crache une vieille rengaine country, que John reprend en sifflant et en tapant du pied par terre.

J'ai jusqu'ici abordé les morceaux de musique courts, les "chansons". Mais au cinéma, il y a aussi la musique "de fond", les longs violons un peu fades de Hollywood, lorsque les amoureux s'embrassent, les accords de 11ème sur un piano désaccordé dans un film d'épouvante... Toutes ces ambiances qui sont rajoutées en post-production. Comment le scénariste doit-il les envisager? La réponse courte est: il ne doit pas!

La réponse longue est: si le rythme de son film est bien ficelé, les musiques s'intercaleront toutes seules. Si le scénariste est maladroit et joue sa partition - son scénario - avec moult contretemps et bémols, gaffes de rythme, fausses notes, structure branlante, alors le travail du monteur sera nettement plus ardu.

Mais il n'y a pas de vrai conseil pour apprendre le "bon" rythme d'un film: regardez-en beaucoup, portez une oreille attentive à la bande-sonore, et soyez en harmonie avec la nature profonde de votre histoire. Après tout, la musique, c'est une affaire de "flow". Est-ce que votre histoire a le bon "flow"?

A vous de voir!

Et maintenant, écrivez!