01 septembre 2008

L'écriture industrielle

Premier jour de travail aujourd'hui. J'ai écrit comme je n'avais jamais écrit jusqu'alors. Quatre pages utiles en six heures (soit 12 minutes d'émission au total). Moi qui aime peser mes mots, c'était un peu juste. Il a fallu trouver des idées de sujets du tac au tac. Pas deux, ou trois. Quinze idées de sujets people... De quoi remplir l'émission pendant un bon moment.

Après validation par la hiérarchie, développement de trois "enquêtes de la semaine". Je vous épargnerai l'énoncé des sujets, c'est à pleurer. Ces trois idées, il a fallu les étirer jusqu'à la limite de la rupture. Car, voyez vous, la nature des infos people c'est de reposer sur du vent. De ce vent faible et vicié, il faut alimenter une soufflerie. Il faut délayer. Rallonger. Commenter. Faire de la moindre anecdote un prétexte à la logorrhée.

C'est un véritable sport cérébral. Untel a eu un petit accident de la route? Vite! Un sujet! Sa vie est en danger! Pourquoi roule-t-il si imprudemment? C'est sans doute l'abus d'alcool! Pourquoi sombre-t-il dans l'alcool? Sa femme le trompe sûrement! Pourquoi? C'est tout vu: son dernier film a fait un bide. Sa carrière est dans un creux. Va-t-il pouvoir se remettre de cette terrible épreuve?

Et demain, lorsqu'un communiqué de presse expliquera que toute l'affaire n'était qu'un petit excès de vitesse sans conséquence, on se contentera de passer à l'histoire suivante.

Trouver de la narration là où elle n'est pas. Oui, j'avoue: en fait je trouve ce jeu très amusant. Dommage que certains téléspectateurs partagent cet enthousiasme. Parce que je crains que l'humour, somme toute très relatif et sage, que j'introduis dans mes textes (qui ne sont que jeux de mots vaseux et esprit d'à-propos gouailleur) ne suffise à faire passer l'indigeste sauce.

J'ai essayé de trouver des mentors. Des grands manitous du people respectés par leurs pairs. On me souffle le nom de Yann Barthes, sur Canal+. J'ai regardé son émission. Ah, c'est ça le summum? Ok, c'est parfois drôle. Le format est très différent de ce que je fais. Je ne fais pas de plateau. Je n'ai pas les moyens de faire des petits montages amusants. Et je suis pas super fashion comme lui ;-)

Finalement, je me rends compte que je n'ai quasi pas discuté ni remis en cause le format de l'émission avec mes patrons. Je ne sais pas qui la présentera, et jusqu'à ce matin je n'en connaissais pas le titre. On m'a fourni un canevas (une conduite, dans le jargon), que je m'efforce de remplir avec des textes. Ils sont fait pour être lus par une voix-off sur un tapis ininterrompu d'images d'archives. Pas vraiment l'occassion de faire des blagues interactives façon Barthes.

Je me rends compte que je travaille en aveugle. L'émission n'existe pas encore. C'est dans mon esprit un vague mélange entre 50 minutes inside, Le Petit Journal People, et ce qui serait une version télé de Closer. Mais rien n'est clair. Quelqu'un a-t-il seulement une idée de ce que l'on va faire? Après mon premier jour, vais-je oser provoquer une réunion au sommet ?

En tout cas, cette expérience étrange m'aura appris au moins une chose qui me rapproche un peu des scénaristes professionnels: quand on est payé pour écrire, tout d'un coup, c'est plus difficile!

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