29 juin 2010

Pause estivale

Vous aurez remarqué que le rythme des articles a baissé ces dernières semaines, et c'est bien normal: le soleil est de sortie, c'est les vacances!

On se retrouve fin août pour de nouvelles aventures!

22 juin 2010

L'impasse culturelle française

Je profite de ce billet pour annoncer deux choses:

1) je vous invite à lire le billet intitulé "L'impasse culturelle française" sur le site A-Suivre. Un constat d'échec façon "les Bleus" mais en version télé. Si vous me lisez régulièrement, vous savez que je suis entièrement d'accord avec ce qui est dit, et je pense deviner pourquoi: aussi bien l'auteur de l'article que moi sommes friands de séries européennes. Nous assistons, impuissants, au largage pathétique de la fiction française, et ne pouvons qu'en déduire les causes.

2) je retire tout ce que j'ai dit de mal sur Steven Moffat. L'épisode "The Pandorica Opens" de Doctor Who était tout bonnement fabuleux!

17 juin 2010

Faites confiance à Aristote!

Ah! Ce bon vieux Aristote! Toujours là quand on a besoin de lui.

Pour résumer très fort, Aristote disait qu'il vaut mieux penser en termes d'actions qu'en termes de personnages. Grosso modo: les personnages découlent des actions. Ils sont des pions que l'on déplace du point A au point B selon l'intrigue prévue. Et pour cacher les ficelles, on "maquille" les personnages dans un fard psychologique qui explique leurs agissements.

C'est très différent de l'approche que j'ai de plus en plus ces temps-ci: partir d'un personnage, d'un caractère fort, pour suivre ses actions.

Et même si ça peut sembler plus logique de procéder de cette manière, c'est en fait une assez mauvaise chose, car cela relègue l'histoire, la narration, au second plan. Nos oeuvres deviennent une étude de caractère, ce qui est très bien dans un roman ou au théâtre (Molière en a fait son fonds de commerce) mais qui fonctionne nettement moins bien au cinéma, le média de l'action par excellence.

Pas plus tard que ce midi, un confrère me demandait quels scénarios je prévoyais d'écrire cet été... Et moi de lui répondre: "J'ai l'idée d'un type qui est très connu malgré lui sur le Net, le genre loser d'une vidéo virale, qui décide de ne pas se laisser abattre par les moqueries et de plutôt voir la chose du bon côté."

L'idée me semblait bonne, jusqu'à la réaction de mon camarade de jeu:

- "Oui, d'accord... Mais ça raconte QUOI?"

Ouh, la claque.

Avoir un personnage n'est pas synonyme de tenir une histoire.

Si votre personnage n'a rien à faire, s'il se contente d'être là, avec son fort caractère et son passé intriguant, il n'est pas plus intéressant qu'une nature morte (et je ne suis pas fan des natures mortes, désolé).

Au contraire, on peut partir d'une histoire forte, et en déduire un personnage. "C'est l'histoire d'un gars qui profite de sa célébrité vraiment pas méritée pour chasser la fille de ses rêves. Mais elle voit très vite son petit jeu, et le délaisse. Le type peut se taper toutes les groupies du monde, et des canons, mais très vite, il va revenir au sens des réalités pour conquérir l'élue de son coeur."

On voit déjà beaucoup mieux la structure du film de dérouler, même si j'ai (volontairement) utilisé un cliché hyper-rabâché. L'important, c'est que je tiens là quelque chose qui à les épaules assez solides pour tenir 100 minutes, pas uniquement de quoi faire un portrait sur un timbre-poste.

Je retiens donc la leçon: les grecs avaient toujours raison! Merci Aristote!

12 juin 2010

Citation

"The film industry is about saying ‘no’ to people, and inherently you cannot take ‘no’ for an answer."
-- James Cameron

09 juin 2010

L'instant bande-annonce

Pourquoi allons-nous au cinéma?

Vaste question, et chacun y trouvera son mot à dire, mais en fin de compte, une chose est sûre: on y va pour voir de bons films!

Dans de bons films il y a de bonnes scènes.

Ca ressemble à une lapalissade, mais - si l'on y réfléchit bien - on se rend compte que plein de scénaristes (européens, oserais-je ajouter) zappent les "bonnes scènes".

Ils ont une structure; ils ont d'excellents personnages; une ambiance très bien travaillée; une intrigue retorse à n'en pas douter... Mais il n'y a aucune scène pour faire plus de bruit que l'autre. Le film arrive à son terme, l'intrigue est bouclée, il s'est passé des choses, mais on ressent un manque, on a l'impression de ne pas en avoir eu pour son argent.

Comment se fait-ce?

Il manque "l'instant bande-annonce": cette scène où l'on sait précisément pourquoi on a payé 10€. Notez que cette scène ne se trouve pas forcément dans la bande-annonce (pour préserver le suspense), mais il faut comprendre l'expression: c'est le genre de scène grandiose, spectaculaire, le "mindfuck" qui met tout le monde d'accord. C'est indispensable car le cinéma est avant tout un spectacle, et un spectacle sans clou ne vaut pas un clou.

Voyez plutôt...

Dans Matrix, Néo finit par distordre le temps et l'espace, le fameux "bullet time"; c'est l'instant bande-annonce.

Dans North By Northwest, la course poursuite à lieu... sur le Mont Rushmore: instant bande-annonce!

Dans Apocalypse Now, les hélicoptères débarquent au son de Wagner, un instant bande-annonce de luxe.

Dans Terminator 2, T-1000 saute d'un pont avec un semi-remorque! Instant classique de bande-annonce.

Je pourrais continuer longtemps comme cela, mais vous voyez où je veux en venir: les bons films contiennent tous une ou plusieurs scènes de cet acabit. Ce sont les scènes qui finissent en général sur YouTube et qui suscitent des commentaires émerveillés même 20 ans plus tard.

On pourra me rétorquer que les films plus intelligents (ou plus intellectuels, ça reste à voir) n'ont pas besoin de tels expédients pour s'en sortir. Mais c'est là qu'est l'erreur: l'instant bande-annonce n'est pas un expédient pour les scénaristes en mal de bling-bling, c'est tout simplement un passage obligé que le spectateur attend avec impatience! C'est la raison même de l'achat de son ticket de cinéma!

La preuve la plus flagrante est le dernier Robin Hood, avec Russel Crowe. Quand j'ai acheté mon onéreuse place de cinéma, je m'attendais tout de même à voir une flèche partir d'un arc. J'attendais que Robin se montre digne de sa légende en étant le plus agile archer de tout Nottigham. Mais non, Ridley Scott à voulu la jouer plus fine (à l'européenne, j'ai envie de dire) et finalement tout le monde a été déçu.

Robin Hood, pas un film intelligent, me dira-t-on. Mauvaises langues! Mais j'accepte, et je continue:

Prenons un vieux film qui n'a rien de l'action pop corn... Par exemple "Mr Smith goes to Washington" de Frank Capra. Pas de bagarre sanglante, de course poursuite agitée, de baisers fougueux... Non, mais le moment bande-annonce s'y trouve quand même: l'incroyable monologue de Mr Smith au sénat! Cette scène est la traduction cinématographique du titre du film! Elle résume à elle seule la raison d'être du film.

Il est grand temps que les scénaristes intellectuels s'autorisent à faire du spectacle! Une *bonne scène* n'est pas synonyme de stupidité. C'est plutôt l'absence de *bonnes scènes* qui est stupide, car elle démontre un incompréhension profonde du médium qu'est le cinéma. Faites des thèses de philosophie, nom d'une pipe!

05 juin 2010

Exposé sur l'exposition

L'exposition dans un scénario, c'est cette partie délicate ou rien n'existe et où tout est à inventer. Elle est difficile à maîtriser, car le scénariste est tenu de faire passer un maximum d'informations alors qu'aucune action ne le justifie. C'est logique: au début d'un scénario, on ne sait rien sur le monde qui nous entoure, sur le passé des personnages, sur leurs relations. Bref: on doit tout apprendre, et sans s'ennuyer, s'il vous plaît!

Le premier (mauvais) réflexe de l'apprenti scénariste sera probablement d'avoir recours à la voix-off. A mon avis, c'est un choix désastreux. Prenons Avatar (que je n'ai pas aimé). On ne peut pas taxer James Cameron d'être un piètre scénariste, et pourtant je trouve que son choix de présenter le personnage principal par le biais de la voix-off déforce beaucoup le film. Le personnage n'est pas introduit par un acte qui le différencie des autres, par une qualité quelconque qui fait de lui le héros. Il est simplement là par hasard (son frère est mort). Et cette mort n'est pas poignante: elle est expédiée par voix-off. Cette façon de procéder ne donne pas au spectateur l'occasion de s'identifier au héros: il est relativement anonyme et passe-partout. C'est... un simple avatar.

Une technique plus efficace pourrait être de commencer le film en plein milieu d'une action extraordinaire, de place le héros en situation, et d'apprendre à le connaître sur le tas. Speed fournit un bon exemple: Keanu Reeves est en mission spéciale pour arrêter un tueur fou, et nous ne savons rien des circonstances, mais nous apprenons néanmoins plein de choses: sa façon de travailler, son héroïsme, ses relations avec les collègues... C'est amplement suffisant, et ça permet de faire démarrer le film sur les chapeaux de roues. Autrement plus bandant que la pauvre voix-off.

En réalité, l'erreur consiste à croire que le spectateur à besoin d'en savoir beaucoup sur les personnages avant d'apprécier leurs aventures. C'est faux: on peut totalement être pris d'empathie pour un total inconnu. La seule clé qui ouvre les portes de l'identification, c'est ce (bref) moment où l'on partage une expérience humaine commune: une gêne, une honte, un rire, une souffrance, une victoire, etc. Dés lors que héros et spectateur auront vécu ce moment ensemble, peu importe leur biographie, leurs diplômes, leur situation matrimoniale, le contexte socio-politique de leur pays, etc.

Prenons l'exemple de Slumdog Millionaire. Ce pauvre enfant des bidonvilles gagne Qui Veut Gagner des Millions. Nous présente-t-on la situation déplorable des bidonvilles avec une voix-off? Nous raconte-t-on comment il a participé aux épreuves de pré-sélections pour arriver sur le plateau de télévision? Non: on s'en fout. Danny Boyle ouvre le film par une scène où le pauvre jeune homme se fait torturer, sans nous expliquer pourquoi. La compréhension des événements vient bien assez vite d'elle-même, inutile d'alourdir le tout avec des voix-off explicatives.

On pourrait prendre cet article pour un réquisitoire contre les voix-off, mais pas du tout: seulement lorsqu'elles sont utilisées à des fins d'exposition! Une voix-off peut très bien décrire certaines sensations invisibles, ou fournir un contrepoint humoristique à certaines images (par exemple la voix-off dans American Beauty - qui par ailleurs ruine une bonne dose de suspense).

Le problème de l'exposition dans un scénario est donc un faux problème, dans le sens où, bien souvent, il suffit de ne pas donner l'information du tout pour régler le problème! Mais les scénaristes ont peur d'être incompris, alors ils noient leurs intrigues dans une surcharge d'informations. Effacez tout ça!

Quand l'information est primordiale pour produire son effet (par exemple, la bombe qui fait tic tac sous la table alors que les protagonistes boivent un cocktail sans se douter de rien), le seule bonne manière de faire passer l'exposition est de l'intégrer dans du drame, dans du conflit. Par exemple, les bandits doivent installer la bombe avant telle heure, mais un importun les retardes, etc. Ca ne doit par être très long, juste une situation qui transforme l'information en drame.

Un scénario ne se compose pas d'informations, mais de situations!