24 septembre 2010

Curb Your Enthousiasm, ou comment rire des bonnes manières

Larry David joue depuis plus de 10 ans maintenant (en route pour une huitième saison) son propre rôle dans la série Curb Your Enthusiasm, une vraie perle des sitcoms sans rires pré-enregistrés. Le concept est simple: Larry David, créateur de la mythique sitcom Seinfeld, ne travaille plus beaucoup depuis l'arrêt de la série. Mais il s'en moque: il est riche, et ses seuls soucis viennent de son incapacité à vivre en société. Complètement à l'ouest en matière de courtoisie, de bonnes manières et de savoir-vivre, il passe son temps à décevoir sa femme et à outrer les bonnes gens. Le pauvre, il ne le fait pas exprès: ce n'est pas lui qui est fou, mais bien le monde qui l'entoure!

Curb Your Enthusiam est assez particulier dans son humour puisque son seul et unique ressort comique est cette inadéquation entre Larry David et les usages de la société. Pas de blagues sous la ceinture, pas de péripéties incroyables à la Friends, pas de gags visuels, non, rien sinon la gêne et l'inconfort. Et, aussi incroyable que cela puisse paraître, c'est un ressort assez puissant pour faire rebondir la série depuis 1999.

Bon, il faut avouer, au bout d'un temps, on voit venir les gags à l'avance. Chaque fois que Larry David fait une rencontre a priori anodine, on *sait* qu'elle va finir en catastrophe. Mais les scénaristes en jouent, ils retournent les situations et parviennent souvent à surprendre.

Il faut dire que "la gêne et l'inconfort" sont à mon avis les seuls vrais ingrédients de l'humour, en général. Voyez plutôt: l'humour noir, c'est l'inconfort face aux choses horribles de la vie. Les blagues sexuelles, c'est quand on rit pour évacuer une gêne latente face au sexe. Les one-man-show, les stand-ups, sont remplis d'humoristes qui ne font que raconter des passages gênants et inconfortables de leur vie imaginaire. Une gêne à laquelle on peut tous s'identifier parce que tout le monde la vit constamment.

Alors voilà le conseil: si vous voulez faire rire sans trop vous casser la tête, prenez note de tous ces moments inconfortables de la vie, et racontez-les honnêtement. Les gens riront car ils verront que vous avez identifié une réalité, et rien que ça, c'est déjà 50% du boulot.

Bon, et alors, les 50% restants, c'est quoi?

C'est ce qui s'appelle le milking, autrement dit l'exploitation de la situation de départ jusqu'au bout. Je regardais l'autre jour cette émission de Ruquier (On n'demande qu'à en rire) et voilà que ces malheureux candidats se font démonter en public. Pourquoi ne sont-ils pas très drôle?

Parce qu'ils ne font que 50% du travail: ils ont identifié une situation potentiellement drôle, une gêne (dans l'émission ici: la directrice de la campagne pour la sécurité routière est alcoolique) mais ils ne l'exploitent pas vraiment. Ils racontent, sans plus. Ils se contentent d'exposer un personnage caricatural. Mais un portrait est insuffisant: il faut imaginer toutes les ramifications qui peuvent découler la situation de base. Il faut exagérer. Aller jusqu'au bout de l'idée.

Pour en revenir à Curb Your Enthusiasm, c'est exactement ce qu'ils font, et avec brio. Je vais prendre pour exemple l'épisode "The Doll" (saison 2) qui me semble le plus drôle. En partant d'une situation simple (Larry, croyant faire plaisir à une fillette, coupe les cheveux de sa poupée. C'était une poupée de collection et les parents sont scandalisés), les scénaristes ont imaginé une descentes aux enfers qui est pourtant un accomplissement logique.

Et 30 minutes d'épisode plus tard, voilà où le pauvre Larry en est:

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